Conférence donnée par Bernard Kaminski, le mercredi 19 octobre 2016, au Palais Episcopal de Belley, à propos de la ville de Belley antique
Les fouilles entreprises à l’occasion de la reconstruction de la cathédrale au XIXe siècle, lors de la construction de la maison Saint-Anthelme en 1931, puis des thermes en 2008-2009, mais aussi les trouvailles fortuites faites depuis plusieurs siècles sur l’emprise de l’agglomération antique, ont permis progressivement, de donner une idée de l’importance de la ville.
Bien avant ces fouilles, les traditions orales populaires, confirmées notamment par les écrits de Jacques Fodéré, au début du XVIIe siècle, et le mythique « Poème de la ville de Belley », très probablement fécondé par la fertile imagination de Philibert de Pingon au milieu du XVIe siècle, avaient contribué à valoriser, souvent abusivement, son passé plurimillénaire. La faisant remonter au-delà de Brennus (IVe siècle av. J-C), la donnant comme lieu de séjour de César avant la conquête des Gaules, elles en firent la proie des Goths barbares d’Alaric au début du Ve siècle. En outre, elles lui attribuèrent tous les apparats d’une grande cité romaine, tels que théâtres, temples, amphithéâtre, forum, enceinte complétée d’une citadelle, multiples portes, et réseau d’aqueducs.
Si les découvertes les plus anciennes la font effectivement remonter à la fin de l’Âge du Bronze, il est vraisemblable que c’est à l’Âge du Fer, et notamment à La Tène (IIIe et IIe siècles av. J.-C.), que les trois conditions habituelles des lieux de sédentarisation furent alors appréciées en ce lieu. Il permettait en effet d’associer un carrefour de voies stratégiques, notamment de la route de l’étain, entre la (Grande) Bretagne et la péninsule italienne, la présence de sources permanentes au pied de la côte de Melon et un habitat de hauteur sur le plateau situé entre le Furans et l’Ousson. Quel peuple gaulois l’occupait alors ? Le conférencier, reprenant point par point différents éléments de recherche (monnaies, écrits de César, approches géostratégique et ecclésiastique, métriques des voies antiques, incorporation commune du Bugey, Valromey et Savoie Propre en Sapaudia dès le IVe siècle, etc.) conclut à l’appartenance du Bugey et du Valromey au territoire allobroge.
Revenant ensuite sur les recherches présentées dans un article du n°102 du Bugey (2015), il montre comment, après l’annexion de la Transalpine et de l’Allobrogie en 121 av. J.-C., les géomètres romains ont aménagé le territoire, sous forme de cadastrations. Celle de Belley, conditionnée par les croupes morainiques du plateau belleysan, fut ainsi orientée à 32°E, les parcelles ayant pour dimensions 5 x 3 actus (177,50 x 106,50 m). Intégrant ensuite les voies antiques qui aboutissaient au carrefour stratégique de l’hypercentre actuel, le conférencier propose une restitution de Belley au Haut-Empire. Cette recomposition s’appuie sur un maillage des voies urbaines de 200 x 120 pieds (sous-multiples de la trame rurale), sur les découvertes évoquées plus haut, ainsi que sur les principes de conception des villes et des monuments énoncés par Vitruve, le grand architecte contemporain d’Auguste. Sont ainsi positionnés le temple de Mercure sous l’actuel clocher de la cathédrale, le forum piétonnier, ainsi que les bâtiments publics qui devaient se répartir en périphérie du forum.
L’aménagement particulier du decumanus maximus sur son tronçon occidental, dans le thalweg emprunté par l’actuelle rue Wiltzer, a amené le conférencier à s’interroger sur les raisons qui avaient motivé ce dévoiement. Croisant ces éléments avec les écrits de Guichenon, ceux retrouvés dans un manuscrit du XIIe siècle de Robert d’Auxerre, précisant que Belley se nommait Belismensis sous l’Antiquité tardive, il conclut que sous l’emplacement des Ursulines, devait être édifié un second sanctuaire. Autour d’une source sacrée, aux vertus guérisseuses reconnues encore au XIXe siècle, dédié à la déesse Belisama, icône du panthéon gaulois, il dut donc être à l’origine du bourg allobroge, ladite déesse lui donnant même son nom.
Mais là n’était pas la seule source qui devait sourdre des pentes de Melon. En effet, le réseau d’aqueducs qui existe encore dans le clos de l’Institut Lamartine, relevé en 1948, s’intègre parfaitement dans la cadastration romaine. En outre, ses dimensions intérieures sont précisément définies en pieds et en pouces romains. Sur ces bases, le conférencier tente de montrer l’importance du réseau d’alimentation en eau de la ville antique, ainsi que des égouts qui s’évacuaient par le thalweg du Renom.
Par ailleurs, les trois portes médiévales de la ville témoignant de leur intégration parfaite dans la cadastration primitive, et recelant aussi des stèles épigraphiques romaines, permettent de conclure à la construction d’une enceinte probablement à l’interface des IIIe et IVe siècles. En outre, surplombée par la croupe de Saint-Anthelme, il est hautement probable qu’une arx (citadelle) devait en occuper stratégiquement la crête au Bas-Empire. Enfin, sur la base de l’interprétation des stèles épigraphiques trouvées en ces lieux, et dans la région proche, le conférencier esquisse quelques hypothèses d’aménagement de la ville, et de l’importance qu’elle prit progressivement sous l’Empire.
Lire la suite dans le prochain numéro de la revue de la Société à paraitre en mai 2017.